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Page:Henri Deberly Le Supplice de Phèdre 1926.djvu/129

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LE SUPPLICE DE PHÈDRE

l’esprit d’autorité lui manquait un peu. Mais peut-on demander à l’agneau des griffes ?

Tel qu’il était, avec sa goutte, ses allures fantasques et sa rayonnante bonhomie, avec ce tour d’intelligence qui bravait l’absurde et prêtait tant de grâce à l’érudition, comme naguère, il faisait les délices d’Hélène. À trente-deux ans, elle retrouvait, dans toute sa fraîcheur cet extrême plaisir à l’entendre qui, bien plus jeune, la lui rendait entièrement soumise. Sa mémoire continuait à l’émerveiller. Elle adorait cette humeur brusque et pleine de tendresse dont il lui disait par instants : « Voyons, ma fille, tu n’y es pas ! Ta pensée barbote. Réfléchis un peu. C’est si simple ! » Puis, agitant sa tête chenue, et vraiment comique par le regard désespéré qu’il lançait au ciel : « Qu’avons-nous fait de monstrueux, ta sainte mère et moi, pour qu’une pareille sotte nous soit née ! » De telles boutades, bientôt suivies d’un sourire de biais, ravissaient la jeune femme comme des compliments, tant, avec force, elles soulignaient, par leur tournure même, le caractère exceptionnel de ses défaillances. Moins sujette à pécher sur certaines questions, elle abordait plus volontiers, dans leurs entretiens, la littérature ou l’histoire, mais, en pratique, le choix du thème lui importait peu. Tous les sujets lui étaient bons à prêter l’oreille aux curieuses paroles de son père.

Soyons véridiques ! Tous, moins un. Il suffisait pour qu’elle rompît une conversation que celle-ci, par hasard, tombât sur Michel. Alors, sans cesse,