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Page:Henri Deberly Le Supplice de Phèdre 1926.djvu/128

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LE SUPPLICE DE PHÈDRE

disjointe, régulièrement accompagné comme des coups d’une pioche. La vieille machine, faisant effort de toute sa carcasse, se recueillait entre les pointes qu’elle poussait à fond, semblait avancer par saccades. Dans les côtes, elle allait à l’allure du pas et, pour garder sur le parcours son honnête moyenne, dans les descentes, elle zigzaguait comme une grand’mère ivre.

Le gentilhomme sortait de là le feutre écrasé et la redingote blanche de poudre. Aussitôt, les enfants se jetaient sur lui. Il agitait Marie-Thérèse ainsi qu’une poupée et grognait un mot tendre en embrassant Marc. L’âge mordait peu sur ce colosse toujours excentrique et ses souffrances ne lui donnaient aucune amertume.

En venant s’installer à l’Amirauté, Hélène avait, cette année-là, ressenti d’abord un peu d’éloignement pour son père. Dans l’état de détresse où elle se trouvait, elle le blâmait d’avoir jadis, par philosophie, accepté sans lutte son mariage. « Une remontrance, au besoin même, une opposition, et, connaissant sur cette matière sa largeur d’idées, j’aurais réfléchi ! » pensait-elle. Ce grief n’avait pas résisté longtemps. Dès la seconde apparition du cordial vieillard, l’affection qu’elle lui vouait l’avait balayé. C’était une chose bien difficile, et surtout pour elle, que d’en vouloir profondément au comte de Kerbrat d’avoir agi sans tenir compte d’un scrupule courant. Toute sa vie témoignait d’une indépendance dont sa cravate aux coques flottantes était l’étendard. Sans doute,