Page:Henri Deberly Le Supplice de Phèdre 1926.djvu/141

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
139
LE SUPPLICE DE PHÈDRE

qu’elle croyait si forts disparurent sans laisser aucune trace en elle. Rien ne pouvait s’imaginer de plus innocent que le plaisir cérémonieux pris par les maniaques qu’on voyait évoluer dans ce décor louche. Tout entiers à l’ivresse de marquer des pas, ils s’étreignaient, se renversaient et mêlaient leurs jambes sans qu’un éclair vint animer, dans leurs durs visages, leurs fixes prunelles d’alcooliques. Pas un, d’ailleurs, n’ouvrait la bouche pour placer un mot. « Leur façon de s’aimer ! » pensa la jeune femme. Dans son esprit, désormais libre et sans inquiétude, secrètement déçu, plein d’aigreur, se peignit un tableau des grandes décadences, qu’elle croyait agitées de transports farouches et qui, au fond, se réduisaient à ces trébuchements d’une chorégraphie insipide. Des collégiens donnaient le branle à d’anciennes poupées. Des criquets d’Espagne à des outres. Ici et là, certains danseurs, déjà vieux et chauves, semblaient compter leurs exercices, faits avec méthode, comme on compte, à Vichy, les verres d’eau d’une cure. Un mépris formidable envahit Hélène.

Mais Marc languissait sur sa chaise. Elle le prit par la main et ils s’élancèrent. Quinze mesures n’avaient pas résonné pour eux que l’ombre même de la révolte un instant subie avait délaissé la jeune femme. Corps docile, à son tour grave et silencieuse, elle n’était plus qu’à l’agrément dont la pénétrait un plaisir longtemps oublié. Toute impulsion reçue de Marc lui paraissait douce et si, parfois, elle essayait de lire dans ses yeux