Page:Henri Deberly Le Supplice de Phèdre 1926.djvu/164

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
162
LE SUPPLICE DE PHÈDRE

strictement sa posture morale et que, gêné de souffrir peu, il sondait son cœur sans y trouver les arguments d’une tendresse blessée.

Des nouvelles plus complètes arrivèrent bientôt. Pendant dix jours, l’appartement fut aussi glacé que si Michel avait dormi son dernier sommeil entre les cloisons d’une des chambres. Tout l’esprit de chacun se tendait vers lui et le silence ne résonnait, à longs intervalles, que de paroles dites par Hélène entre deux soupirs pour vanter ses mérites et ses perfections. Elles touchaient l’âme de Marc sans la pénétrer, comme il advient quand nos oreilles doivent subir d’autrui l’éloge d’une personne étrangère. La pensée de son père l’attristait sans doute et, dans les vues qu’il accordait à son proche futur, il ne pouvait, sans ressentir un honnête regret, méditer sur sa place éternellement vide, mais quelles empreintes relevait-il, dans sa destinée, de cet homme froid, systématique et toujours absent ? Quel lien sa mort inattendue venait-elle de rompre ? On le savait tantôt en route pour Adélaïde et tantôt naviguant sur les mers de Chine, on apprenait, plusieurs semaines après l’événement, que son navire avait souffert sur un point du globe d’une tempête qui l’avait sérieusement secoué, puis il rentrait, collectionnait des potins bretons et repartait pour quatre mois sans verser une larme. Incapable, à son tour, de pleurer sur lui, Marc attribuait le peu d’ampleur de son déchirement au faible éclat des témoignages de sollicitude qu’il avait reçus