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Page:Henri Deberly Le Supplice de Phèdre 1926.djvu/217

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LE SUPPLICE DE PHÈDRE

Ce regret lui donnant un peu d’amertume, elle recourut pour le combattre à des arguments dont l’insuffisance la surprit, puis voulut oublier l’injurieux propos. Mais sa mémoire lui présentait avec insistance l’étrange regard qu’on avait eu en le proférant et ses oreilles, comme si la voix résonnait en elle, tintaient encore des propres mots qui l’avaient formé. Soudain, de même que dans un air connu de longue date et jugé sévèrement ou dédaigneusement, à l’improviste, un trait nous frappe comme assez curieux, le « dont j’étais sûre » l’intrigua. « Sûre de quoi ? » se dit-elle, et elle réfléchit. « De cette horreur, c’est évident, (faut-il qu’elle soit folle !) mais d’où venait une certitude d’un pareil calibre et comment l’y ai-je confirmée ? Aurais-je eu, par hasard, une phrase équivoque ? » Elle rechercha sans rien trouver qui la compromît que le ton vif et chaleureux de sa discussion. « C’est donc mon accent ! » reprit-elle. « Cette éhontée pensait sans doute qu’on réclame un fils avec autant de politesse qu’un objet perdu. Oui, j’y ai mis de la hauteur et de la passion, je lui ai dit sans ménagements de dures vérités, mais toutes les mères chez qui le vice n’a pas tué l’esprit auraient fait de même à ma place. Si elles deviennent rares, il en reste ! Ce doit être cela qu’elle ne comprend pas. » L’explication qu’elle découvrait lui parut si juste que son souci, provisoirement, en fut dissipé. Le joli temps, les trottoirs secs lui donnaient des jambes. Sa rapide victoire la grisait. Elle appartint sans nulle réserve à son contentement.