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LE SUPPLICE DE PHÈDRE

est plongé ! » Pour s’en convaincre, elle fit retour sur le sentiment qui avait manqué l’émouvoir, comme, au physique, on tâte un mal avec insistance par désir de connaître où il retentit. Voyons, c’était clair ! Aucun doute ! « À la fin, » conclut-elle, « je deviens idiote ! Vais-je m’occuper des inventions d’une femme folle de rage, lorsque j’ai pour moi ma conscience ? » Elle arrêta sur son beau-fils un regard oblique dont la rigueur n’était mêlée d’aucune compassion. Puis elle quitta la pièce commune pour gagner sa chambre où, soigneusement, elle mit de l’ordre et compta du linge, se croyant enfin l’esprit libre.

Mais l’inquiétude, au fond d’elle-même, renaissait sans cesse et, sans cesse, les paroles qui l’avaient causée revenaient l’obliger à jeter une flamme. Au bout d’une heure, d’abord un livre, un ouvrage ensuite, qu’elle avait pris pour se distraire et maniés sans goût, reposaient auprès d’elle sur un guéridon et, renversée dans son fauteuil, les paupières mi-closes, une extrême lassitude lui pesant aux membres, elle s’enfonçait et se perdait dans des réflexions d’une mélancolie accablante. Tout le travail que son esprit s’était assigné consistait à trouver dans ces derniers mois de quoi fournir un démenti à l’accusation qui, décidément, l’obsédait. Où le prendre ? Il était, peut-on dire, partout et, en même temps, ne se montrait, si l’on veut, nulle part ! Sourdement ébranlée dans son assurance, elle commençait à exercer sur ses moindres actes cette critique soupçonneuse et décourageante qui, bien