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Page:Henri Deberly Le Supplice de Phèdre 1926.djvu/226

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LE SUPPLICE DE PHÈDRE

sévèrement jugée si, par malheur, elle offensait dans l’âme du jeune homme la mémoire trop fraîche de son père. Un voyage ? Ç’eût été une sérieuse dépense. Puis, quel motif, en cette saison, l’aurait justifié ? « Laissons faire le temps ! » conclut-elle. Chaque journée lui semblait d’une longueur affreuse et ses nuits s’écoulaient dans l’agitation.

Marc, cependant, ne vivait pas des heures moins troublées. Aussitôt terminée sa convalescence, il avait fiévreusement griffonné dix pages pour demander à sa maîtresse des nouvelles, un mot, son silence l’étonnant et le tourmentant. Aucune réponse n’étant venue à cette première lettre, il l’avait appuyée d’une seconde, plus courte. Des télégrammes étaient ensuite partis l’un sur l’autre. Après trois jours de ce manège, fou d’incertitude, tremblant d’apprendre une maladie ou une mort subite, il s’était présenté à l’appartement. La domestique lui avait dit qu’on n’était pas là, remis en même temps une enveloppe.

C’était, en cinq lignes, son congé. Sans une syllabe d’explication, ni même une tendresse. Le sec avis d’un dégagement jugé raisonnable. Rien qui permît de soupçonner les souffrances, les pleurs du feu desquels était sortie cette formule glacée, minutieusement remise au point, patiemment réduite jusqu’à la dernière concision. D’abord frappé d’un saisissement facile à comprendre, Marc avait dû relire ce texte à plusieurs reprisés avant d’être sûr d’y voir clair. Puis, il était, sur le trottoir, resté confondu. Sauf de rares cas, le jeune amant d’une