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LE SUPPLICE DE PHÈDRE

des connaissances en langue grecque devant lesquelles maint spécialiste inclinait la tête et devait s’avouer confondu. Mais il aimait par-dessus tout l’étude de l’histoire. Grand déchiffreur de manuscrits, grand fouilleur d’archives, il avait entrepris d’en composer une de la Bretagne dans la période révolutionnaire, dont quatre tomes, sur une dizaine qu’il en annonçait, s’étaient succédé en quinze ans. Ces quatre tomes avaient soufflé le vent du scandale. Car leur auteur était athée et républicain avec un rien de sectarisme assez malicieux qu’on voyait briller dans son encre.

La position que lui valaient dans sa ville natale des idées si contraires à la bienséance ne laissait pas, au demeurant, pour l’observateur, d’être inattendue et curieuse. Les royalistes de Quimper détestaient en lui ce qu’ils nommaient passionnément son zèle anarchiste. Mais, en même temps, son patronyme rayonnait sur eux comme un des plus purs de Bretagne et pas une main qu’il lui plaisait de solliciter ne boudait l’occasion de serrer la sienne. Pour excuser cette concession faite par les principes au prestige qu’exerçait M. de Kerbrat, on affectait de le tenir pour un frère prodigue dont le retour pourrait tarder jusqu’à sa vieillesse, mais se produirait fatalement. Ainsi, la mère d’un fils impie lui pardonne ses frasques, dans la pensée qu’il ne saurait, au seuil de la mort, rester sans contact avec Dieu.

Le digne homme savourait ces palinodies que son esprit de misanthrope assez débonnaire pre-