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LE SUPPLICE DE PHÈDRE

complétaient l’un par l’autre. Les principes différents qu’ils représentaient se confondaient dans leur amour pour n’en former qu’un qu’ils décoraient du beau nom sourd de fidélité. Beaucoup étaient morts pour sa gloire. Un seul, Louis de Kerbrat, le père d’Hélène, l’avait jugé le plus spécieux des scrupules courants.

À l’époque du mariage de sa fille unique, c’était un homme de cinquante-deux ans, large et fort, aux favoris coupés en brosse d’ancien magistrat, et dont la chevelure, épaisse, hirsute, du gris puissant et nuancé d’une fourrure de chèvre, encadrait une face léonine. Ses distractions et sa douceur étaient proverbiales. On le voyait, en toute saison, pareillement vêtu d’une redingote dont l’échancrure découvrait les bouts d’une courte cravate lavallière, pareillement coiffé d’un grand feutre, et la seule concession qu’il fît aux beaux jours était, vers juin, d’abandonner pour du coutil blanc le pantalon de teinte bleuâtre à grosses rayures noires qui, d’ordinaire, flottait en jupe autour de ses jambes.

Il habitait un vaste hôtel dont il sortait peu. Dans cet hôtel, il ne quittait sa bibliothèque, étendue sur près d’un étage, qu’au moment des repas, qu’il lui fallait gros, et le soir, vers minuit, pour s’aller coucher. Entre temps, il lisait, écrivait, fumait, déplaçait les trésors de ses étagères ou promenait sur des estampes nouvellement acquises l’étroite armature d’un compte-fils. On lui savait un immense fonds de culture latine et