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LE SUPPLICE DE PHÈDRE

rage. Ses yeux pouvaient interroger les rayons garnis, parcourir les vitrines et les étagères et distraitement se prélasser des chenêts aux glaces, sans tomber sur un livre à reliure médiocre ou apercevoir une chose laide. Et, devant elle, en toute saison, tous les jours, des fleurs.

De la première leçon sérieuse donnée par son père, avait daté, pour la fillette, une vue sur l’étude à la fois surprise et charmée. Elle achevait de recevoir un plat enseignement où le visage et l’expression semblaient s’accorder pour saturer de maussaderie la science la plus pauvre et pénétrait, sur un sourire d’une divine douceur, dans le pur domaine de l’esprit. Tel était le savoir du comte de Kerbrat qu’il pouvait jouer des éléments de ses connaissances ainsi qu’un jongleur de ses balles, sans plus d’effort qu’une dentellière de ses mille bobines, et avec la même légèreté. Son affection l’avertissait du moment exact où la fatigue, en occupant la tête de sa fille, allait en chasser l’attention. Tout à coup, à l’histoire ou l’arithmétique, à la grammaire latine ou grecque, au texte épineux, succédait, sur un point de littérature, une anecdote qu’il animait de toute sa malice et rendait fertile en détours ; ou bien, du fond de son fauteuil, les mains sur les tempes, il se livrait à quelque attaque du démon frondeur qui l’avait pratiquement retranché du monde et s’étendait avec prudence et sérénité sur ses réflexions favorites.

Rien ne flattait la jeune élève, ni ne l’exaltait,