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LE SUPPLICE DE PHÈDRE

La nouvelle du mariage l’avait confondue. Un roturier sans grande fortune, capitaine marin, déjà d’un certain âge et père d’un fils, était-ce un homme d’une séduction à rendre amoureuse la sévère Hélène de Kerbrat ? « Quelle excentrique ! » s’était-elle dit en haussant l’épaule. « Se peut-il qu’elle subisse jusqu’à cette folie la triste influence de son père ? » Puis, déjà sur le point de boucler ses malles pour aller accomplir dans la ville de Rennes son troisième exercice de duègne bénévole, sans plus d’indignation, ni d’amertume, elle avait soigneusement tout remis en place dans sa maisonnette de Morlaix.

Hélène brillait par la raison plus que par l’esprit. Sur son sexe, elle avait des vues nettes et justes. Aussi loin d’abaisser, d’avilir la femme que de la grandir à l’excès, elle la tenait pour inférieure, en principe, à l’homme, mais indispensable à sa gloire. Sa fonction magnifique était, d’après elle, dans le domaine que sa naissance lui départissait ou qu’elle choisissait librement, de cultiver les éléments de grandeur du monde pour les porter au point suprême de leur perfection. Tout talent lui devait le meilleur de soi. Par un besoin d’utiliser ses vertus profondes, d’essayer son pouvoir sur des dons heureux, par une impatience de former, avec cela, pleine de pitié, comme nous l’avons dit, pour un enfant à qui manquaient les soins maternels et que livraient à ses caprices deux honnêtes vieillards dépourvus du courage d’y poser un frein, Mlle de Kerbrat s’était accordée