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LE SUPPLICE DE PHÈDRE

Rien ne presse. Il ne manquerait plus qu’il jouât à l’homme ! » disait Hélène à son mari, en haussant l’épaule, pour lui expliquer cette tenue. « Habillé en gamin, il obéit mieux. Puis, voyez donc ses camarades, avec leurs complets : le veston les engonce, ils ont l’air de singes ! » La vérité était qu’elle-même eût été gênée, bien que fort éloignée de la coquetterie, de promener, comme son beau-fils, un adolescent dont la mise trop virile eût accusé l’âge et qu’elle tenait à le garder naïvement vêtu pour le faire paraître plus jeune.

Devenue ambitieuse de le policer, elle lui avait d’abord prêté quelques-uns des livres dont sa piquante maturité restait éblouie. Il aimait la lecture et les dévorait. Mais ce qui surprit sa belle-mère, ce fut de voir qu’un sens critique naturellement juste lui faisait discerner les plus remarquables, qu’entre tous il goûtait les volumes de vers. Sur cette femme raisonnable et si positive, la poésie, surtout lyrique, avait un pouvoir qui la transportait hors d’elle-même. Elle émouvait dans sa nature ce fonds généreux qu’avait trahi lumineusement, dix années plus tôt, le sacrifice qu’elle avait fait pour adopter Marc. Lorsqu’elle eut observé que lui-même vibrait à certaines strophes des romantiques qu’elle savait par cœur, que Verlaine excitait sa mélancolie, mais qu’il sortait des Fleurs du Mal comme d’un envoûtement, il lui parut qu’à ses efforts souvent inutiles elle voyait poindre une récompense étonnamment belle. Cet enfant commençait à l’intéresser. Elle prit confiance, le mesura,