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LE SUPPLICE DE PHÈDRE

auprès d’elle dans un lieu public lui rendait plus frappante cette félicité. Ses pensées auraient pu se traduire ainsi : « Quelle existence est donc la mienne ! La fortune me comble. Nulle ne sait à quel point elle devrait m’envier, parmi toutes ces femmes qui m’entourent. Combien d’entre elles peuvent sincèrement se flatter comme moi d’avoir goûté dans le mariage un miel sans absinthe ? J’en suis encore à pardonner une parole blessante échappée à Michel dans une discussion et Marc fait preuve, à dix-huit ans, d’une docilité contre laquelle ne prévaudrait aucun entraînement. Les plus communes de mes actions prennent valeur d’exemples. Je suis jeune, je me passe de toute protection, et j’ai pourtant à ma portée cette épaule robuste et cette frêle épaule qui grandit. Car elle grandit ! » songeait Hélène en tournant la tête pour adresser à son beau-fils un rapide regard. « Elle grandit, et bientôt elle sera virile, mais je la guide, elle se laisse faire, elle subit mon poids et ce n’est, sous ma main, que celle d’un enfant » Arrivée à ce point de ses réflexions, elle éprouvait presque toujours un plaisir si vif que l’enchaînement de ses idées en était rompu. L’orgueil de soi gonflait en elle tous ses instruments. Une étrange langueur la baignait. Elle contemplait avec mépris les brillantes parures répandues aux places de l’orchestre, puis, secouant un état qu’elle jugeait absurde, interrogeait parfois Michel et plus souvent Marc sur ce qu’ils pensaient du spectacle.

Le commandant n’avait qu’un mot : « C’est inté-