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Page:Henri Deberly Le Supplice de Phèdre 1926.djvu/79

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LE SUPPLICE DE PHÈDRE

résistance, ni même frémi devant l’outrage fait à sa compagne avec une violence passionnée. En bousculant et gourmandant, blessant et rompant, sa belle-mère lui semblait exercer un droit. Ce n’était qu’en voiture qu’il s’était repris. Alors, tandis qu’au bord des rues circulait une foule dont s’emplissaient machinalement ses regards bornés par le cadre obscur d’une portière, qu’à son côté se durcissait un silence farouche, il avait eu présente au cœur, le désespérant, la figure d’Alice tout en larmes et sa propre conduite l’avait humilié. De quel nom la traiter, qui fût assez fort ? De quelle épithète la flétrir ? Différait-elle assez à fond de celle des grandes âmes que lui décrivaient ses lectures ! Chez celles-ci, tout était générosité, combative ardeur, zèle brûlant, lui souffrait qu’un affront fût publiquement fait à la jeune fille qui s’était crue sous sa protection. Une occasion se présentant de parler en homme, il avait eu peur comme un mioche ! Fallait-il qu’il fût lâche et de faible amour !

Ses réflexions prirent plus d’ampleur dans la solitude. Elles le tourmentèrent davantage. Un instant même, il supposa le jeune corps d’Alice tombant en syncope derrière eux, après un geste désolé qu’il n’avait pas vu, puisqu’aussi bien, obéissant au premier appel, il avait déguerpi sans se retourner. Et qui savait si l’algarade qu’elle avait subie n’aurait pas des suites plus funestes ? Chaque matin, les journaux n’annonçaient-ils pas quelque suicide ayant pour cause un fait du même genre ? Le désespoir ou le remords, la crainte du scandale,