Page:Henri Heine, Poésie, 1906.djvu/425

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à un cas cataleptique, je crois qu’on doit prendre la précaution de m’ouvrir une veine avant mon enterrement.

§ 6. — Si je me trouve à Paris à l’époque de mon décès, et que je n’habite pas trop loin de Montmartre, je désire être enterré dans le cimetière de ce nom, ayant une prédilection pour ce quartier, où j’ai résidé pendant de longues années.

§ 7. — Je demande que mon convoi soit aussi modeste que possible, et que les frais de mon enterrement n’excèdent pas le montant ordinaire de celui du simple bourgeois. Quoique par acte de baptême, j’appartienne à la confession luthérienne, je ne désire pas que le clergé de cette Église soit convié à mon enterrement ; je renonce même au ministère de tout autre sacerdoce pour célébrer mes funérailles ; ce désir n’est pas dicté par quelque velléité d’esprit fort. Depuis quatre ans j’ai abdiqué tout orgueil philosophique et je suis revenu aux idées et aux sentiments religieux. Je meurs croyant en un Dieu unique et éternel créateur du monde, et dont j’implore la miséricorde pour mon âme immortelle. Je regrette d’avoir dans mes écrits quelquefois parlé des choses saintes sans le respect qui leur est dû, mais j’étais plutôt entraîné par l’esprit de mon époque que par mes propres propensions. Si j’ai à mon insu offensé les bonnes mœurs et la morale qui est la vraie essence de toutes les croyances monothéistes, j’en demande pardon à Dieu et aux hommes. Je défends qu’aucun discours, en allemand ou en français, soit tenu sur ma tombe. En même temps, j’énonce le désir que mes compatriotes, quelque heureuse que puissent devenir les destinées de notre pays, s’abstiennent de transférer mes cendres en Allemagne ; je n’ai jamais aimé à prêter ma personnes à des mômeries politiques. La grande affaire de ma vie était de travailler à l’entente cordiale entre l’Allemagne et la France et à déjouer les artifices des ennemis de la démocratie qui exploitent à leur profit les animosités et les préjugés internationaux. Je crois avoir bien mérité autant de mes compatriotes que des Français, et les titres que j’ai à leur gratitude sont sans doute le plus précieux legs que j’ai à conférer à ma légataire universelle.

§ 8. — Je nomme pour exécuteur testamentaire M. Maxime Jaubert, conseiller à la Cour de cassation, et je le remercie de vouloir bien se charger de cette fonction.

Le présent testament a été ainsi dicté par M. Henri Heine et écrit en entier de la main de M. Ducloux, l’un des notaires soussignés, tel qu’il lui a été dicté par le testateur, le tout en présence desdits notaires et des témoins, lesquels, de ça interpellés, ont déclaré qu’ils n’étaient pas parents de la légataire.

Et, lecture faite en mêmes présence au testateur, il a déclaré comme contenant l’expression entière de sa volonté.