Page:Henri IV - Lettres Missives - Tome1.djvu/586

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le lieu et rang que tenez en son endroit (et y allant en cela de nos interests communs), la bonne volonté que m’avez tousjours demonstrée en ce qui est deppendu de vous, dont je me sens obligé, avec desir de m’en pouvoir revancher en quelque bonne occasion : pour cela J’ay donné charge au dict sr de Segur de le vous tesmoigner et vous asseurer qu’il est trés necessaire d’y donner quelque ordre, à ce qu’il vous dira de ma part ; vous asseurant que je n’y espargneray ni les biens ni la vie. Vous me ferez ce plaisir de le vouloir croire comme moy-mesmes, et les vouloit adsister de vostre faveur en ce qu’il vous en requerra : priant Dieu, mon Cousin, qu’il vous donne ce que desirez.

Des Essars, ce xxiije juillet 1583.


Vostre bien bon et affectionné cousin,


HENRY.



1583. — 25 juillet.

Imprimé. — Henrici, Navarrorum regis, epistolæ, etc. Utrecht, 1679, in-12, p. 165.


AD CAROLUM SUDERMANENSEM, DESIGNATUM SUECIÆ HEREDEM[1].

[2] Illustrissime Princeps, Consanguinee et Amice charissime, Post-eaquam regnum Gallicum per multos jam annos misere direptum,

  1. Ce titre, donné dès lors par les huguenots de France à Charles, frère du roi de Suède, zélé protestant au détriment de l’héritier direct Sigismond, dont la mère s’était toujours montrée ardente catholique, prouve la persévérance avec laquelle les protestants préparèrent les voies au trône pour le troisième fils de Gustave Wasa, qui finit en effet par détrôner son neveu Sigismond, se fit décerner la couronne par les États, le 29 mars 1604, et devint roi de Suède, sous le nom de Charles IX. Il était né le 4 octobre 1550 et mourut le 8 novembre 1611. De sa seconde femme, Christine de Holstein, il eut Gustave-Adolphe, qui lui succéda.
  2. Voici la traduction de cette lettre :
    À CHARLES DUC DE SUDERMANIE,
    HÉRITIER PRÉSOMPTIF DE LA COURONNE DE SUÈDE.

    Illustrissime prince, très-cher et bien-amé Cousin, Depuis que le royaume de France, si longtemps et si misérablement déchiré par les guerres civiles, commence enfin à se reposer, nous avions formé le dessein, et cela notamment l’année dernière, de nous embarquer pour l’Angleterre, l’Écosse, et de là passer en Belgique, en Allemagne, en Danemarck et en Suède, pour visiter les sérénissimes et illustrissimes rois et princes qui défendent la religion réformée, et resserrer les liens d’amitié qui nous lient à eux pour travailler à apaiser les controverses en matière de foi qui, nées de l’esprit d’orgueil de quelques théologiens, affligent les églises réformées ; enfin pour faire connaître à tous les princes quelles ruses et quels efforts désespérés sont incessamment pratiqués par le pontife de Rome contre l’Église de Dieu, et pour conclure avec eux un traité d’alliance contre les violences de cet Antechrist.

    Mais des difficultés soudaines pour l’établissement de la paix nous ayant toujours forcé de différer notre voyage, au moment même où nous étions disposé et prêt à l’entreprendre, nous avons décidé qu’un autre l’entreprendrait, ne pouvant le faire nous-même. En conséquence nous avons délégué le sr de Ségur-Pardaillan, chef de notre conseil privé, auprès des sérénissimes et illustrissimes rois et princes, et nous lui avons donné plein pouvoir de traiter avec eux sur toutes les questions, même les plus graves, d’alliance et d’union.

    Connaissant la haut sagesse et la vertu éminente de votre altesse ; et surtout son zèle particulier pour la Religion, nous avons ordonné au sr de Ségur, notre envoyé, de lui offrir les témoignages de la pure et sincère amitié et de bienveillance dont nous sommes animé à son égard, comme aussi de traiter avec elle, d’après les instructions que nous lui avons données, de l’objet de sa mission ; qui est de solliciter votre altesse de faire avancer de tous ses efforts, soit par elle-même, soit en s’adressant au sérénissime roi de Suède, l’établissement de ce traité d’alliance si utile pour le salut de l’Église Dieu, et si nécessaire dans les circonstances présentes.

    La piété qui distingue votre altesse nous fait espérer qu’elle ne nous refusera pas ce que nous lui demandons. Notre envoyé achevera d’exposer à votre altesse ce qui n’a pu trouver place dans cette lettre : à laquelle nous mettrons fin, en lui offrant les témoignages de notre dévouement, et en priant Dieu qu’il conserve longtemps et en bonne santé votre altesse pour le salut de l’Église.

    Nérac, le 25 juillet 1583.

    [HENRY.]