Page:Henri IV - Lettres Missives - Tome2.djvu/161

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DU ROI DE NAVARRE. 151 à vostre naturel et à nostre merite. Je l’attribue à la force, àilaquelle je voy bien qu’il nous enfault opposer une aultre ; et je me console que ma conservation soit conjoincte avec la liberté de Vos Majestez. Si ceulx de la Ligue eussent esté poursuivis de semblables rigueurs, il n’en fust desjà plus de memoire. En cela se voit la passion trop ' evidente, que deux edicts l’un sur l’aultre, rigueur sur rigueur, se soient faicts en peu de temps contre les innocens ; contre les pertur- bateurs on n’a procedé qu'avec lenteur et connivence. J'ay un poinct particulier, Madame, que je vous supplie de remarquer. Pendant que _ _ les depputez du Roy sont avec moy, et premier qu’ils ayent eu 1na response, je suis declaré relaps, decheu de tous droicts, incapable _ dl acquisitions et de successions : en somme, exposé en proye par la declaration du Pape. Je ne crains, graces a Dieu, ses fulminations ; et les Roys predecesseurs, parleur exemple, ont assés monstre le cas qu'il en fault faire. Mais jugés, Madame, si c’est pas trop entrepris à luy sur cest Estat, mesmes du vivant d’un Roy plein de vigueur ; si c’est — pas aussy vous faire tort et aimer vostre ruine, de troubler, en tant qu'il peut, les moyensdune pair generale, que vous mesmes par vostre labeur taschiés de procurer à ce Royaume. Or Dieu veuille que les ` premiers eflects de cette declaration ne tombent sur `le Roy. Au moins me fie-je en luy, Madame, qu’il me donnera bien les moyens de les destourner de dessus moy. Puisqu’on en est là, je vois qu’il y va de tout ; nul ne trouvera estrange que j’employe tous les moyens, que je pourray, pour me conserver, et ruiner mes ennemis ; En un tel contest, mon grand regret, je prevoys de grandes miseresa j’ap— prebende des calamitez sur cest Estat ; mais Dieu sçait et vous le scavés, Madame, qui’en a la coulpe. Ten ay le cœur net. ile lerois contre nature, de ne dellendre ma vie, 1na conscience et ma maison. ' Je verray le jour, Madame, que le Roy et -vous recognoistrés, peut- p estre trop tard, en quelles mains vous aves mis vos armes. Vous plain- drésla paix, qui s’est’l’aicte à nos despens, et la guerre, qui se 'faict vrayement aux vostres. Dieu me gardera contre leurs menées et leurs menaces, et nie fiere voir la lin de tous mes ennemis. Lesgrands