1604. — 3 Mars.
Cop. —iBiblîoth. de M. Monmerqué, Ms. intitulé Lettres à l'ambassadeur du Levant.
[A M. DE BBÈVES.]
Mons’ de Breves, J’ay sceu la prise de la ville de Tauris, faicte par le roy de Perse, la mort du sultan Mehemet et recognoissance pour empereur de son fils Ahmedl, faicte paisiblement par les principaux ministres et officiers de l’empire, par vos lettres du xx° et xx11° de decembre, que j’ay receues le xxv° de febvrier. Je ne doubte point que ces deux accidens, advenus en mesme temps, xfaugmentent mesmement la confusion et le desordre qui sont au dict pays, et qu’il n’en arrive de grands et perilleux inconveniens, principalement si l’Empereur continue, d’un costé, la guerre en Hongrie, et si le roy d’Espagne, de l’autre, entreprend aussy chaudement la conqueste d’Algier, comme on dit qu’il s’y prepare. .I’ay appris par la premiere de vos dictes lettres la resolution qu’a pris le vice-roy d’Armenie2, pour resister aux premiers efforts du dict roy de Perse et arrester le `cours de sa fortune et de ses armées, comme il a esté esprouvé par le nouveau prince, lequel ne pouvant obtenir de l’Empereur la paix ou la tretve, seroit bien conseillé de faire l’une ou l’autre avec le dict roy, plus tost que plus tard, car il luy sera ditlicile de resister à tant d’ennemys et d’accidens ; et semble qu'estant jeune et peu experimenté comme il est, assisté de serviteurs et ministres discordans et mal unis, plus -bandez à leur profit particulier qu°à_pourvoir à l’honneur et service de leur prince 3, davantage il ne faut point doubter que les premiers maux n’en accu-
1 Sultan Ahmed Ier, fils aîné de Mahomet III, avait succédé à son père le 22 décembre précédent. Il était âgé de quinze ans. Il mourut à trente ans, le 15 novembre.
2 Le texte de ce manuscrit, dont nous avons eu fréquemment occasion de signaler l’incorrection, porte ici d’Aragon. Quant à d’autres corrections, comme Mehemel au lieu de Mchemis, Ahmed ou Achmet au lieu de Amat, il est superflu de les signaler.
3 Malgré sa jeunesse et la difficulté des circonstances, le sultan Achmet se montra digne de régner.