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» Suivons, suivons des yeux la baguette enchantée ;
La dette des bons cœurs n’est jamais acquittée.
Elle effleure le sable, il y naît un berceau,
Le granit le plus dur enfante un arbrisseau ;
De nuance en nuance, et d’étage en étage,
Partout brille sa grâce, ou sa fierté sauvage.
Le châtaignier pompeux lance au ciel ses rameaux,
Et le pampre enrichit et pare les coteaux.
Tu naquis sons ses pas, joli mont des Chambrettes[1] !
C’est elle qui forma ces cellules discrètes
Où viennent amoureux, poètes et buveurs,
D’un tendre enivrement savourer les douceurs.
Vieux chênes, votre gui bientôt vous fera honte ;
Tombez, cédez la place aux fruits de Cérasonte.
Vous, restez, noirs débris des volcans destructeurs,
Des désastres passés nous aimons les horreurs,
Et l’homme, ami secret du trouble et du ravage,
Jusque dans ses plaisirs en recherche l’image.

» Que vous dirai-je, enfin ? ce fortuné concours
D’accidens, ce combat des ombres et des jours,
Ces rochers suspendus sur l’amant qui soupire,
Ce séduisant gazon qui rit à soir délire,
Ces eaux qui dans leur fuite emportent ses sermens,
Ces fruits vers lui penchés pour rafraîchir ses sens,
Ces aspects tour à tour inspirant la folie,
La terreur, ou la joie, ou la mélancolie…
Voilà son grand ouvrage ; elle a déguisé l’art
Si bien que l’œil s’y trompe et rend grâce au hasard.

  1. C’est le nom local de cette belle colline.