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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

la voiture qui me conduit roule avec une violence inusitée, que le ciel chargé de nuages commence à laisser échapper des gouttes menaçantes, et surtout lorsque les feuilles que j’ai à remplir sont si étroites, comparées à vos désirs et aux miens qui sont si grands ?

Dans la rue Chauchat, ainsi que dans les petites rues avoisinantes, s’élèvent de charmants hôtels, escortés de sombres jardins ; on se croirait à Besançon ou à Bourges, les deux villes du monde les plus fécondes en maisons isolées, les plus stériles en habitants. Il n’y a qu’un omnibus, qui ose se hasarder dans ces quartiers perdus, non, comme on le croirait, pour y transporter des voyageurs impossibles, mais dans le seul but de ne traverser ni la rue Laffitte où passe la voiture de l’Odéon, ni le faubourg Montmartre sillonné d’un grand nombre de ses confrères.

Cependant nous y arrivons à ce faubourg, la dernière limite du quartier Bréda, la frontière qui sépare les mœurs douces, élégantes et voluptueuses des triviales habitudes du faubourg Poissonnière et du faubourg Saint-Denis. Pour un certain monde dans Paris, pour nous-même l’univers finit à la rue Cadet ; nous savons bien par ouï-dire ou par raisonnement qu’il existe de l’autre côté des hommes et des femmes, forts à peu près comme nous, mangeant, buvant, et lisant le Siècle, mais il ne nous a jamais pris l’envie de nous assurer physiquement de cette existence. Pour ma part, les secrets de la lune me semblent de beaucoup plus importants et plus curieux à connaitre, que les mystères du petit commerce, et la vie des habitants des arrondissements qu’on n’habite pas.