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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

Descendrai-je ? ne descendrai-je pas ? La plupart des voyageurs de l’impériale ont pris la fuite, effrayés par la lourdeur de l’air, qui annonce un orage, par les tourbillons de poussière aveuglante qui s’abattent sur nos habits, et forment, mêlés à l’eau qui tombe, de longues taches blanchâtres, qu’aucune lessive n’effacera ; quelques-uns ont pris les places de l’intérieur, il n’en reste plus pour moi. En restât-il d’ailleurs, je dois à mes lecteurs, je me dois à moi-même de ne point quitter mon poste d’observation.

Comme il fait très-chaud, j’ôte le lourd chapeau qui couvre ma tête, et reçois sur mon front nu et mes cheveux épars les gouttes rafraichissantes de l’ondée céleste.

Nous côtoyons un angle de Notre-Dame-de-Lorette, église déjà nommée et nous laissons à droite la rue Lamartine.

Je ne sais pourquoi ce nom de Lamartine excite dans mon cœur de douloureuses sensations. Ce n’est pas que ma pensée se reporte à l’homme ; non, il me semble qu’il en serait de même si j’étais Lapon, et que j’ignorasse profondément l’existence de ce grand poète, de cet homme de cœur, qui fut un jour roi de France, et dont la royauté s’est passée, semblable à ses vers harmonieux, le son d’une corde qui se brise sous les doigts qui la serrent, et dans son dernier soupir fait entendre une dernière mélodie. Ne trouvez-vous pas que, dans ces trois syllabes, La-mar-tine, il y a la révélation de toute une destinée ? n’y sent-on pas la douceur et le grandiose de la poésie, et conçoit-on un homme qui posséderait ce nom et ne fût pas ce qu’il est, lui ? Qui sait si la science des anciens sorciers n’avait pas de fondements, et s’il n’y a pas une fatalité attachée aux noms comme aux