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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

Il n’y a peut-être pas au monde d’exercice plus propre à inspirer la pensée. Je connais des gens qui regardent au plafond, d’autres qui se tirent l’oreille avec un sourire narquois pendant le travail. Il en est qui froncent le sourcil ; j’en sais un dont les facultés ne s’éveillent que lorsque sa plume flatte amoureusement sous le pli de son oreille gauche. L’oreille droite n’a point d’effet. Dès que la plume a quitté son poste, il devient impossible à mon ami de déterrer une seule idée.

Moi, j’attaque d’ordinaire ma Muse à l’aide du roulement sus indiqué. Je ne saurais expliquer par quel phénomène s’exercent ces sortes de fascinations, relatives sans doute à notre nature. Elles existent : c’est assez.

Quand j’eus battu trois marches et deux charges, l’idée vint.

Elle vint comme viennent les idées, toutes nues, en sorte qu’à moins d’être peu chastes, il nous faut, avant de les recevoir, les habiller convenablement.

Celle-ci consistait en un projet de voyage. Mais où ? comment ? deux mots plus féconds et plus gros qu’ils n’en ont l’air.

Remonter sur mon omnibus ? croyez-le, lecteur, cette fatale pensée ne me fut pas plus tôt venue qu’elle disparut, emportée par le vent du printemps. La manière dont s’était terminé mon voyage m’empêchera à jamais de le recommencer. Je murmurai une seconde fois : jamais ! et l’idée s’envola comme elle était venue.

Où ? je songeai que je ne devais pas m’écarter de Paris, car j’avais encore beaucoup de choses à y voir.

Le mode de locomotion m’inquiéta davantage. Je me remis à battre une charge. La source jaillit, je saisis mon chapeau et je partis pour Charenton.