Page:Henri Maret Le tour du monde parisien 1862.djvu/125

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

113
LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

objets de la vie, il faut que l’homme aime ces effets et s’enthousiasme pour ces objets. Or, cet homme doit avoir un cœur plus tendre que les autres, et quel cœur est plus tendre que celui d’un poète ? Donc le poète est plus appelé que personne à partager mes goûts.

Puis il faut un petit grain d’observation, beaucoup de gaieté pour rester calme dans les hasards, les petites misères étant beaucoup plus insupportables que les grands malheurs ; enfin {ces dernières qualités ne sont point inhérentes à ma personne), il est de première nécessité de ne professer aucun état lucratif, d’avoir du loisir et de n’être point pressé d’arriver.

Ayant découvert les omnibus qui m’ont valu un procès gagné par moi et mes amis de l’Illustration, et, par suite, ayant rappelé à vos yeux une partie de ce grand Paris, que vous connaissez tous si imparfaitement, je m’étais retiré dans ma solitude, comme le rat dans son fromage, j’y vivais en paix, espérant avoir payé ma dette à l’humanité. Je comptais que cette vieille décrépite ne me demanderait plus rien. Son exigence s’est manifestée dernièrement sous la forme de plusieurs lettres élogieuses.

J’ai été flatté : un homme flatté est toujours vaincu. Machinalement, après avoir lu ces encouragements, j’ai entrepris de tailler ma plume (j’ai la faiblesse de me servir de plumes d’oie). Mon canif a fait des siennes ; ma plume s’est brisée et a refusé jusqu’au bout de lui obéir.

J’ai dû me lever, marcher jusqu’à la croisée, et, ne sachant que faire, battre obstinément sur les vitres un roulement continu.