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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

En effet, nous devions descendre le courant, et le vent nous poussait doucement dans notre chemin.

Je compris alors l’intention de Fritz, lorsque je le vis bourrer sa pipe, et s’asseoir nonchalamment sur son banc. Le gaillard se chargeait de la manœuvre, et m’abandonnait les avirons.

Or, la manœuvre était inutile, tandis que les avirons devaient parfois aider à fendre l’eau et à maintenir le bateau…

J’allais, contre mon gré, me trouver le plus occupé.

Fritz tint à honneur de ne pas me laisser le moindre doute.

« Pour que notre voyage devienne excessivement agréable, et que tu puisses observer les rives à ton aise, nous allons, dit-il, courir des bordées. Sais-tu ce que j’appelle courir des bordées ? C’est traverser la Seine en largeur, en même temps que nous la parcourons en longueur, décrire des zigzags, en un mot suivre une ligne brisée, la plus courte, quoi qu’on en dise, pour arriver d’un point à un autre. Tu auras une tâche très-facile.

— Ah ! il y a une tâche ?

— Très-facile. Tu n’as qu’à me laisser agir. À la vérité, il te semblera que je ne fais rien ; mais je serai l’âme du bateau. Toutes les fois que je te crierai ces mots sataniques : Paré à virer, tu t’appuieras sur tes deux avirons, ainsi : puis tu feras jaillir l’eau de deux côtés, soit à droite, soit à gauche, selon que nous nous trouverons à la gauche ou à la droite de la rivière, Comprends-tu ?

— Pas du tout ; mais je vois l’action et j’obéirai.

— Partons donc.

— Et les vivres ?

— Voilà des cigares. Nous nous ravitaillerons en route. »