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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

Nous entrâmes bientôt dans la Seine, mon ami Fritz pourrait seul indiquer sûrement de quelle manière. J’ignore absolument quel canal suivit notre canot : les hommes ayant trouvé moyen de faire jaillir des eaux une énorme quantité de presqu’îles, ces presqu’îles se trouvent séparées par tant de bras, qu’il est difficile de distinguer l’endroit précis où les deux rivières se réunissent.

Des connaisseurs assurent que les eaux grises de la Marne ne se mélangent nullement avec les eaux vertes de la Seine. Moi, qui n’ai vu que des eaux noires, je ne puis vous renseigner sur ce sujet. Le paysage est magnifique : je n’y trouve à blâmer que les maisons.

L’humanité a toujours possédé la science du dégât à un point que nul animal ne peut se flatter d’atteindre. La terre nous avait été donnée belle et riche ; aujourd’hui qu’elle est laide et pauvre, nous en accusons Dieu, nous nous plaignons amèrement, et nous ne songeons pas à nous adresser les reproches que seuls nous méritons. Les catholiques rejettent tout sur le péché originel ; les autres, ne sachant trop à quelle cause attribuer les vices de la nature, finissent par assurer que ce sont des vertus, et que nous n’y comprenons rien.

Les uns et les autres se trompent.

Dieu, nous ayant jetés sur la terre, nous a dit : soyez libres, c’est-à-dire, libres d’embellir votre logis, et de le transformer comme vous l’entendrez. Par une malice particulière, il ne nous a pas appris que cette boule allongée n’était rien moins qu’un paradis. Orgueilleux comme les anges rebelles, les hommes se sont mis à l’œuvre, persuadés que, quoi qu’ils fissent, ils ne pourraient qu’orner agréablement leur demeure. Ils ont mis sept mille ans à la détériorer de fond en comble, si bien qu’aujourd’hui leur paradis s’est changé en enfer, et qu’il naît de tous les côtés des philosophes, parfaitement dis-