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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

J’avais résolu de ne le laisser dîner avec calme qu’après la conquête. J’étais décidé à employer les moyens les plus violents.

Cependant, quand le brave homme fut venu vers nous la mine souriante et la serviette sous le bras, quand j’eus contemplé Fritz, qui, la bouche béante et sa troisième mouillette à la main, attendait le résultat de mon équipée, j’eus honte de moi-même et ne trouvai rien de mieux à dire que :

« Qu’est-ce que vous pouvez nous donner encore ? »

L’hôte, qui avait épuisé sa kyrielle, demeura stupéfait. Un instant donc je me trouvai placé entre deux bouches énormes, exprimant leurs étonnements divers, celui de Fritz et celui de l’hôte. Me tirer d’affaire était difficile ; j’en fus quitte par une lâcheté.

« Mon ami Fritz, murmurai-je en essayant d’avaler une croûte de pain obstinée à rester dans mon gosier, mon ami Fritz… hum ! désirerait… — diable de croûte ! — du moins il le disait tout à l’heure… il aurait grand besoin d’une tranche… — je ne l’avalerai certainement jamais… — d’une tranche, disais-je, de… — ce n’est peut-être pas l’époque… — de pâté de venaison, »

Je respirai… mais Fritz bondit et faillit me dévorer de ses grands yeux noirs.

« Que le diable m’emporte, dit-il, si j’ai proféré un mot… »

Le vieux bonhomme éclata de rire.

« S’il ne s’agit que de cela, dit-il, je crois qu’il est facile de vous satisfaire. Je gage que vous voulez du pâté ? »

Et l’hôte, tout fier de sa pénétration, se tournant vers la jeune fille :

« Mariette, dit-il, va chez M. Emblot, le charcutier… ces messieurs désirent du pâté.