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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

— Oui.

— Eh ! c’est le café des Quatre-Saisons.

— Merci bien.

— C’est tout ce que vous donnez ? »

Choqué dans mon amour-propre, je détournai passivement la tête, et le canot passa fier et impassible.

Quelques instants après, je me trouvai fort heureux d’avoir rencontré ce gamin. Dans la campagne, un paysan ne m’eût rien demandé, mais il eût ri de son rire ironique et m’eût répondu :

« Uh ! uh ! Mossieu, vous savez mieux que moi ce que c’est. »

Le Parisien oblige d’abord, et demande après ; le paysan ne réclame rien, mais n’oblige jamais. Où est l’homme qui rend le service et remercie l’obligé ?

Un café ! Ainsi c’était un café que ce palais. Moi, homme, fils d’un homme, j’avais le droit d’entrer là pour 50 c. ; j’avais le droit de m’asseoir sur ces divans ; j’avais le droit d’y casser des vitres, en les payant ; j’avais le droit de m’y voir dans les glaces de Venise, en compagnie d’ouvriers en blouse et de femmes décoiffées.

Et sur la façade de cet édifice, Flore, Cérès, Pomone et le vieil Hiver, inexorabilis Hiems, étalaient leurs allégories champêtres, faites de marbre et de mosaïque, à la place même où, il y a cent ans, voltigeait l’enseigne de fer avec sa grossière image coloriée et son rébus primitif, représentant quatre ceps entrelacés, et plus bas, en lettres à demi effacées, ces deux syllabes non équivoques :


zon dine.

Personne n’y avait jamais rien compris ; mais on appelait la maison l’hôtel des Quatre-Saisons.