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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

pas que les anges doivent porter des robes blanches et des ceintures bleues ?

Je me regardai dans les glaces, et me trouvai horrible. Un frac noir, un gilet blanc, des jambes maigres et de la barbe. Il y a pourtant des femmes qui aiment tout cela.

Un incident dérangea ma contemplation et la pure beauté de ma compagne.

Je ne sais trop comment vous le dire, et cependant cela arrive toujours.

Pourquoi les jeunes femmes dansent-elles ? Y aurait-il rien de plus charmant qu’un bal, si l’on n’y faisait pas de musique, et si les femmes se laissaient modestement admirer sur les sofas, sans s’échauffer le teint, se cerner les yeux, et permettre à la sueur âcre et laide d’envahir la fraîcheur de leurs joues roses ?

J’ai trouvé le mot : ce fut une goutte de sueur.

Oui, elle partit de la tempe, j’en jurerais… Elle ressemblait à une larme. Elle descendit doucement, doucement, s’arrêta tout au bas de l’oreille, en baisa le contour nacré, puis grossit, et se laissa choir sur l’épaule avec la plus inqualifiable inconvenance.

Là elle se prépara à continuer son voyage. Où s’arrêterait-elle ? Je n’osais le prévoir.

J’y pensais néanmoins un peu, quand il arriva… j’aurais donné ma vie pour que ce qui arriva n’arrivât pas.

Et pourtant le choc fut rude… bien rude.

Je sais bien que j’aurais pu tomber. Il est hors de doute que j’aurais pu tomber. C’est là précisément ce qu’il fallut éviter.

Mais elle !

C’est alors que j’ai commis l’infamie.

Je ne tombai pas.