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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

moins qu’un vain mot. Mes idées innocentes se figuraient qu’en tout pays le plus beau monument devait être ce palais. Quant à sa situation, elle était pour moi précise : l’évêque auprès de sa cathédrale, comme le curé près de son église.

Quel ne fut donc pas mon étonnement lorsque, conduit par la main d’un vieux parent presque aveugle, que mes yeux conduisaient aussi, je n’aperçus qu’une place déserte et vide, là où je croyais voir s’élever des portiques somptueux et des galeries magnifiques !

« Est-ce là l’archevêché ? dis-je à mon oncle. Mais je ne vois pas de maison.

— L’hôtel, me dit-il, est là-bas, bien loin, dans un endroit qu’on nomme le faubourg Saint-Germain.

— Alors, pourquoi appelez-vous cela l’archevêché ?

— Parce qu’autrefois il y eut là un palais.

— Qui donc l’a détruit ?

— Le peuple. »

L’enfant s’arrêta étonné et regarda le vieillard. Il est un âge où l’on ne croit pas encore à la puissance de ce grand démolisseur qui se nomme le peuple… Il est bien un âge où l’on n’y croit plus !

Alors celui qui avait vécu expliqua à celui qui devait vivre et lui dit :

« Qu’un jour le vieux monument sombre, accroupi dans la Cité et plongeant sur deux rivières, vit à ses pieds, sur les ponts et sur les parapets, s’avancer, se presser, se heurter et rugir, une multitude effrayante ;

« Que bientôt les deux bras du fleuve se mirent à charrier des meubles, des livres, des chasubles et des soutanes ;

« Que bien des choses précieuses, que bien des livres rares furent perdus ;

« Puis, lorsque les meubles eurent disparu au tournant de