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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

toute propriété aux enfants et aux femmes du peuple. C’est, du reste, tout ce qu’a gagné ce dernier à sa dévastation,

C’est une place plantée de quelques arbres, semée de quelques bancs. Sous les arbres, des gamins et des petites filles jouent à la balle ; sur les bancs, les mères et les grandes sœurs tricotent ou raccommodent.

Fritz fit faire halte à notre canot, et me proposa de visiter Notre-Dame. J’y consentis d’autant plus volontiers que l’idée du déjeuner s’était déjà mainte fois présentée à mon cerveau avec une insistance étrange. Or, il en est des idées comme des passions ; pour les chasser, il faut les satisfaire.

Comme nous traversions le jardin, il se manifesta une grave perturbation dans un coin où jouaient une dizaine d’enfants de dix à douze ans, Il y avait une grande querelle entre les deux sexes : une petite fille et un petit garçon se disputaient, criaient, se battaient à qui mieux mieux. Le reste des enfants entourait ces deux-là.

Les enfants, aujourd’hui, sont comme les hommes ; on se bat, ils regardent faire. Autrefois (je ne parle pas de longtemps) j’en connais qui eussent pris fait et cause pour l’un des deux combattants, et la dispute particulière fût devenue une guerre générale. Le terrain se fût changé en véritable champ de bataille, et, non dans un duel moderne, mais dans un combat antique, on eût débattu cette question, vieille comme le monde, de la prééminence du sexe. La galanterie, comme on sait, n’est point une qualité native.

J’aime beaucoup les jeux d’enfants. Fréquemment mes amis me rencontrent au fond de quelque jardin parisien, assis sur un banc, un livre dans ma main, les yeux fixés ailleurs : attitude de désœuvré. Si le livre n’est pas à l’envers, rendez-en grâce au hasard, ou plutôt à cet instinct de l’ordre qui, bien qu’on en dise, impose sourdement sa loi à toutes