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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

nos actions les plus indifférentes. Le livre n’est qu’un porte-respect, une sorte de contenance à l’usage de mes jeunes acteurs, lesquels s’effaroucheraient peut-être d’une contemplation trop suivie. Les enfants les plus hardis sont timides ; s’ils se sentent regardés, ils se guindent, ils posent comme des hommes, ils perdent toutes leurs grâces et cet ineffable naturel qui accompagne leurs moindres mouvements. Dès lors, plus d’intérêt pour moi, plus d’animation dans leurs ébats : d’une part, le désir d’être admiré ou la honte d’être considéré ; de l’autre, l’ennui d’un spectacle prévu, quelque chose comme la sensation fournie par un mauvais comédien,

Je prends donc un livre et regarde de côté.

Mais, ne vous y méprenez pas, il est très-difficile de tromper les enfants. Soit que l’intuition de la vérité fasse partie de leur innocence, soit que la vanité, commune à ces petits êtres, les pousse à se croire l’occupation unique des étrangers, toujours est-il qu’ils prévoient admirablement et les dangers qui les menacent, et les intentions de ceux qui les entourent. Votre physionomie leur est un livre ouvert ; ils y savent mieux lire que dans les autres. En cinq minutes, ils ont compris pourquoi vous êtes là ; ils se défient de vous, vous regardent de travers, et souvent, s’ils sont sauvages, en les voit se réfugier auprès de leur mère, à qui protection est demandée contre l’intrus grave et discret, dont la barbe les épouvante, et dont les yeux rêveurs ont perdu la limpidité première.

La mère sourit, les embrasse et les renvoie ; mais c’en est fait encore du naturel ; je plie bagage et je m’échappe.

Ailleurs, je recommence le même manège avec des succès divers, Comment faire comprendre à ces bambins qu’un monsieur se trouve heureux de les voir, sans leur parler, sans les connaître, sans les aimer ?

Mes amis, d’ailleurs, n’y comprennent rien eux-mêmes, et