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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

anonyme ; son front est surmonté d’un chapeau maritime à larges bords, qu’il prétend imperméable à la pluie.

Le conducteur est un homme assez généralement jeune, plus rarement aimable ; sa fonction est d’introduire les voyageurs, de les compter et d’en recevoir le prix des places. Képi, veste à galons, pantalon fantaisiste, voilà tout le costume de cet être singulier, qui passe dix-huit heures de chaque jour entre le ciel et la terre, dans un espace d’environ quarante centimètres carrés. L’hiver, il partage avec le sergent de ville la jouissance de ce hideux vêtement appelé caban.

« Qui nous vint d’Algérie, et qui lui vint des Turcs. »

Le conducteur et le cocher se lèvent entre cinq et six heures du matin, et se couchent entre minuit et une heure.

Cela tous les jours et par tous les temps.

Ils déjeunent sur le pouce ou ne déjeunent pas ; ils dînent dans quelque taverne borgne, pendant les cinq minutes qui séparent l’arrivée du départ de leur voiture.

Toute leur journée leur est payée de trois francs cinquante à cinq francs.

Ce métier est fort recherché ; on compte cinq mille demandes par ligne d’omnibus.

Afin de ne point trouver ce chiffre exorbitant, il faut se figurer l’importance exceptionnelle du conducteur, son influence singulière sur l’univers parisien, et la grandeur de ses fonctions. C’est à lui qu’appartient le droit, si cher à la vanité française, d’ouvrir ou de fermer l’entrée à une foule de solliciteurs. Dieu du sanctuaire, il prononce les paroles fatales : foris canes. Le signe de son pouvoir est aussi étrange que ce pouvoir lui-même.

Figurez-vous un cordon attaché à la voiture et dont le bout