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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

est suspendu de telle sorte que la main du conducteur puisse le saisir au moment opportun. Ce cordon sert de drogman au conducteur dans ses communications avec le cocher. Le nombre de secousses données forme, paraît-il, un alphabet complet à l’usage de ces messieurs. Or voici la scène qui se passe le plus souvent entre les trois interlocuteurs nommés : le conducteur, le cocher et le client, ou, pour dire mieux, le voyageur.

Scène sans paroles, où le cordon agit seul avec efficacité.

Il pleut ; une dame honnête, craignant de tacher de fange un pied légèrement chaussé, fait du trottoir un signe de supplication au cocher de l’omnibus. Elle ignore sans doute que le cocher d’omnibus est un automate, dont les paupières ne s’agitent que sous la tyrannie du cordon communicateur. La voiture roule ; la dame se tourne vers le conducteur, qui regarde alors du côté opposé. Les cieux ont fait au conducteur la grâce de toujours regarder le côté opposé. L’infortunée voyageuse de courir, et de recevoir sur sa robe en cinq secondes plus de boue que ne lui en eût donné un jour de course dans Paris. Enfin elle est aperçue, le cordon parle, la voiture s’arrête.

Naturellement la dame essoufflée croit avoir le droit de ralentir sa marche, et de s’approcher au pas ordinaire. À peine atteint-elle le marchepied, que le cordon impatienté adresse au cocher une semonce dont le résultat est d’imprimer une nouvelle vitesse à l’omnibus, qui laisse pour adieu à la dame abandonnée une pluie de taches soulevée par les roues gigantesques,

Si la dame a réussi à s’introduire au seuil de l’intérieur, le cordon a pour mission, avant qu’elle ait pu gagner sa place, de faire chanceler la voyageuse, et parfois de la renverser dans les bras d’un monsieur émerveillé.

On a compris, je l’espère, l’utilité du cordon.