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Page:Henri Maret Le tour du monde parisien 1862.djvu/230

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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

Arrière les pensées tristes, arrière les rêveries vaporeuses. Il va nous falloir du courage pour entrer dans ce palais du pauvre, baptisé de ce nom si doux, si consolant : l’Hôtel-Dieu.

Depuis longtemps on parle de détruire ces vieilles murailles ; elles sont malsaines, dit-on. On a mis bien des années à s’en apercevoir.

Un seul monument ne convient pas pour les malades. Un projet veut que chaque arrondissement ait le sien. Tant pis, si l’on adopte le projet.

Mon Dieu, je ne suis pas un économiste bien érudit, et il est fort probable que les raisons de ma préférence feront rire aux éclats les hommes pratiques. Je déteste les hommes pratiques, et vous ?

Quand les vingt arrondissements auront chacun leur maison de malades, vous aurez vingt hôpitaux, vous n’aurez plus d’Hôtel-Dieu. Le mot hôpital repousse le pauvre. Quelle belle pensée d’avoir créé, au centre d’une capitale, un immense édifice, destiné au soulagement des infirmes, et d’avoir imprimé sur sa façade, comme au marbre d’un autel : c’est ici la maison de Dieu. Je ne sais qui eut le premier cette idée ; mais que celui-là soit béni ; car cette idée, ce sentiment, cette chose, ce nom, à hommes pratiques ! ce je ne sais quoi, enfin, a fait plus de bien dans ce monde que toutes vos créations humanitaires.

Pourquoi vouloir anéantir l’âme au profit du cerveau ? N’y a-t-il pas chez l’homme autre chose que la raison ? Pourquoi ne rien faire jamais pour cette autre chose ?

J’avais tort de dire que cette idée était un je ne sais quoi.