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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

Nous voguions doucement, et le jour était magnifique.

D’un côté, le soleil éclairait une large voie encombrée de promeneurs : c’était le boulevard de Sébastopol.

De l’autre, la flèche dorée de la Sainte-Chapelle portait un diamant à chacune de ses cent pointes. Midi sonnait à toutes les églises ; de çà, de là, passaient et repassaient une multitude de barques semblables à la nôtre ; quelques-unes, plus grosses et dignes du nom de bateaux, demeuraient en arrière, pesamment chargées de bois ou de charbon ; les blanchisseuses riaient et chantaient, en frappant le linge à temps inégaux ; des ouvriers leur disaient de loin quelques douceurs, tout en rebâtissant une portion de mur écroulée.

Des enfants jouaient, et profitaient de la douceur de l’atmosphère pour baigner leurs jambes nues ; un cheval marchait triste et rechigné, se dirigeant il ne savait où ; quelques pêcheurs jetaient leurs filets ; des amas de pavés les regardaient faire en souriant.

Partout le bruit, le mouvement, la vie.

Sur les quais, la foule des voitures ne diminuait pas un instant. Le marché de la Cité s’encombrait de revendeuses et d’acheteurs, les uns et les autres criant et s’agitant comme des gens passionnés. Les hautes et vieilles maisons non encore démolies étalaient, sous leurs toits pittoresques, d’antiques croisées aux barres de bois, où se suspendaient quelques fichus lascifs, caressant des draps jadis blancs ; au-dessous, les oiseleurs, sur le seuil de leur boutique, écoutaient le chant joyeux de leurs pensionnaires. Des chiens hurlaient dans des cages ; des poules caquetaient ; un monsieur tombait sur le trottoir, le gamin de Paris chantait l’air de la dernière revue ; un étudiant marchandait des pommes.

Je vous le répète, c’était partout le bruit, c’était partout la vie…