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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

les agitait toujours ; et chaque fois que la main se retirait, les tresses s’unissaient et présentaient aux yeux un bizarre assemblage de caractères. On eût dit une écriture vivante. Peut-être l’esprit était muet, et sa chevelure était son langage.

Elle approchait toujours, et cependant ne m’atteignait pas. Sans cesse elle ajustait dans l’eau de nouvelles phrases soyeuses ; trop éloigné, je ne pouvais pas lire.

Tout à coup elle me regarda.

Ses yeux étaient jaunes et brillants, comme ceux des animaux qui voient dans les ténèbres. Au fond, une flamme passait chatoyante ; on distinguait l’âme.

Cette âme, d’un rouge de sang, brûlait mon cœur à travers la poitrine. Je fermai les yeux, et je sentis qu’elle pénétrait dans mes veines.

Alors la fée s’enfuit, et derrière elle, hors de son regard de flamme, je pus lire dans ses cheveux.

Et dans ses cheveux il y avait le mot arabe Sanam, c’est-à-dire idole.

Mes artères catholiques battirent d’épouvante ; mais le sang veineux, embrasé de désir, se gonfla et m’entraîna sur le bord, aux sons de mélodies ravissantes.

« Sois à moi ! » m’écriai-je. La foi pénètre dans le cœur, s’y corrompt, et devient l’amour.

Et je glissai, et je plongeai dans l’eau tiède.

« Sacrebleu ! dit Fritz, tu vas te noyer, mon très-cher. »

Je voudrais bien que vous m’apprissiez comment je me trouvais dans mon canot, la tête entièrement penchée hors du bord, et baignant dans la Seine.