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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

ou moins rapprochés de nous. Si Clio, la muse de l’histoire, avait pris plaisir à renverser ses jugements, si elle avait arraché l’auréole à un nom pour la transporter sur un autre, si de Louis elle avait fait Marat, si de Dubois elle avait fait Richelieu, je n’aurais pas le plus petit mot à dire, et il me serait, je vous l’assure, parfaitement indifférent. Mais que de petits hommes, sous prétexte de paradoxe ou d’originalité, dans l’impuissance de leur cerveau vide, aillent prendre le mensonge pour base de leurs écrits, et remplacer les arrêts du passé par des décrets d’hier, les parchemins antiques par des brochures modernes, je l’avoue, voilà ce qui m’indigne. On ne réfléchit pas assez à tout ce qui sortira de tout cela. On entasse doutes sur doutes, scepticisme sur scepticisme, dédain sur dédain, et la tour de Babel qu’on élève écrasera le genre humain.

Car elle manque de solidité, votre tour ; encore une assise, et vous la verrez trembler. Sur quoi l’avez-vous établie ? Il est facile de détruire, il est difficile de réédifier. Ce ne sont jamais les mèmes hommes qui démolissent et construisent, Vous parvenez facilement, trop facilement, hélas ! à souiller les renommées les plus pures, à violer les tombes les plus respectées pour en arracher le cadavre pourri ; le mal est accessible à toute oreille humaine, et les mauvaises pensées ont des cases préparées au cœur. Mais lorsque, comprenant qu’il ne faut point faire le vide autour de l’homme, et qu’il est besoin, pour vivre, de respirer quelque vertu, lorsque vous vous avisez de construire un trône avec les débris du trône abattu, et, qu’y plaçant un autre squelette, vous vous imaginez qu’on l’adorera, ne voyez-vous pas que votre folie nous prête à rire, et que, si chargé de fleurs et de parfums, le héros paradoxal ne laisse pas de présenter encore et sa charpente horrible et les traces dévastatrices du mépris universel, cette