Page:Henri Maret Le tour du monde parisien 1862.djvu/253

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

241
LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

Quant à Salomon, je tiens pour certain que ce fut un homme de bon sens, et qu’il ne manqua même ni de tact, mi de cette sorte de délicatesse sensuelle, qui permet d’apprécier diversement et le bien et le mal, et sert à rendre à chacun ce qui devrait lui appartenir. On appelle cela la justice. Je n’en veux d’autre preuve que la réponse qu’il fit à Dieu, le jour où ce dernier lui proposa de choisir entre ces quatre biens : l’amour, la fortune, le pouvoir et la sagesse. Il choisit la dernière, et fit d’autant mieux qu’il possédait déjà les trois autres. Je ne sais si j’ai tort, mais il me semble que cette décision dut montrer au bon Dieu qu’il n’avait pas affaire à un sot.

Comme il est de bon goût aujourd’hui de réhabiliter les mémoires infâmes, et de rouler dans la boue les noms que l’histoire a bénis, Salomon ne dut pas éviter plus qu’un autre les imprécations de mon ami Fritz. N’a-t-on pas récemment prouvé que Louis XIV fut un niais et un fripon, voire, pour parler justement, le plus faible roi qu’ait eu la France. N’essaie-t-on pas de poser Marie Stuart en bourreau, Élisabeth en victime ? Ne fait-on pas un saint de l’abbé Dubois, et une vierge de la Pompadour ? Avant qu’il ne s’écoule une année, vous verrez un jeune homme, au sortir de rhétorique, écrire, à grands frais d’imagination, une vie toute nouvelle de Bonaparte, où il affirmera que la bataille de Marengo fut gagnée par les Autrichiens, et qu’à Leipzig Poniatowski fut un traître. Il pourra dire encore que mon parent Bassano perdit la France, et que Talleyrand la sauva.

Je n’ai pas d’affection particulière ni pour Salomon ni pour Louis XIV, ni même pour aucun des hommes illustres plus