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Page:Henri Maret Le tour du monde parisien 1862.djvu/260

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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

en ait quelques-uns. Dieu ne peut plonger un siècle tout entier dans l’abîme, à moins d’imiter l’Académie, qui garde ses prix pour l’année suivante.

L’économie, vertu convenable aux petites gens, ne saurait être comptée au nombre des attributs divins. L’épargne n’a pas de sens devant l’infinie richesse. Par conséquent, il sera bon de distribuer quelques récompenses à certains habitants de notre âge.

Ne fût-ce que pour ne pas laisser de place vide.

Or, si mesquine que soit la minorité récompensée, mon lecteur et moi n’avons-nous pas chance d’en faire partie ?

L’un et l’autre, je vous le demande, ne sommes-nous pas un peu meilleurs que la fraction de l’humanité au sein de laquelle nous nous absorbons : il suffit de jeter un regard autour de nous pour en garder la conviction sincère. Qui de nous deux en doute ? Et cette persuasion, n’est-ce pas l’espérance ?

Oui, croyez-moi, nous serons les deux premiers nommés au jour du grand appel ; on nous doit cette réparation, à moi, ne fût-ce que pour avoir écrit ces lignes ; à vous, ne fût-ce que pour les avoir lues.

Seulement, je me figure avec plaisir la grimace que feront les élus des siècles passés, en voyant s’avancer parmi eux la minorité des représentants de notre ère. En nous contemplant tous les deux, peut-être, se tournant du côté de saint Pierre, lui demanderont-ils compte de sa négligence, et, s’interrogeant, ils se diront :

« Si ce sont là les bons, qu’étaient donc les mauvais ? »

Ce qu’ils étaient, grands saints, je veux vous le dire d’a-