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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

Rêves doux et cléments, poussez la barque sur l’onde noire, et que l’étoile qui commence à briller assigne un terme à mon voyage.

Le crépuscule s’annonce ; il naît déjà. Une à une les lumières scintillent au sein de la grande ville, escarboucles de sa parure, feux follets du grand cimetière. Voilà qu’elles se répandent auprès de l’eau, comme une double guirlande de regards flamboyants ; elles se dressent sur les deux rives, et, pâles encore, palpitent au fond du fleuve. Au fond du fleuve, où l’on dirait des sirènes nues, qui de temps à autre voilent leur beauté.

C’est le coup d’œil d’une féerie. Les rubans de gaz sont l’horizon de la perspective, le cadre du tableau. Au-delà disparaît Paris. Pour mieux dire, c’est un Paris nouveau, un Paris inconnu qui naît. Le Paris qui gisait sous les eaux. La flamme arrache les secrets de l’onde ; la lumière éclaire son miroir. Et que de vies reprennent leur cours au fond du sable mort.

C’est la ville brillante et saine qui se meut ; c’est la ville fougueuse qui sort resplendissante des égouts. Et Dieu sait quelle ronde infernale : le démon sait quels divins quadrilles. La bouche ne peut pas décrire ce que l’œil a su voir ; la plume ne rend pas ce que l’âme a rêvé.

Lorsque le canot flotte au gré du courant, et que la nuit déploie ses ailes sur le lit sombre d’un grand fleuve, il faut des regards audacieux pour se perdre froidement dans les réalités humides, où l’épouvante est l’illusion, où l’éblouissement cache l’avenir.

Oh ! quand pourrai-je, poëte à mon tour, briser ce crayon