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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

de l’ennui ; puis leur flot s’écoula paisible, et la solitude revint étendre son linceul dans les flancs du malheureux navire.

Ici toute explication est impossible ; un mystère se glisse dans les ténèbres ; l’ombre recouvre de son voile les projets de la direction. Nous ne pouvons que citer les faits.

La frégate, comme nous l’avons dit, s’accoudait gracieusement à l’angle du pont et de la place de la Concorde. Un matin elle disparut ; curieux de gagner l’ombrage de trois arbres chétifs, à peine suffisants pour abriter les livres épars des bouquinistes en plein vent, voici qu’on la vit coquettement s’attifer, et prendre place à l’extrémité opposée, quelques mètres plus haut, son grand mât lorgnant le conseil d’État, la poupe à la proue et la proue à la poupe.

En un mot, la frégate a viré de bord ; au lieu de se mirer à droite, elle se mire à gauche ; elle fait fi des Champs-Élysées et étale ses grâces maniérées aux yeux de la population de l’autre rive.

Serait-ce que le faubourg Saint-Germain offre plus de prise à l’appât que la rue Saint-Honoré ?

Serait-ce que le côté gauche d’un fleuve est plus digne de recevoir l’eau de mer que son côté droit ?

Serait-ce… nous nous perdons en suppositions. Rien n’explique d’une façon suffisante l’évolution dont nous avons parlé.

Rien, si ce n’est peut-être un caprice démoniaque, et alors cette jolie frégate (et ses insuccès nous le prouvent) ne serait autre que le vaisseau fantôme, auquel nous la comparions tout à l’heure.

Et les garçons, ou plutôt ce que nous avions pris pour des garçons, ce serait…

Horreur !