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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

Chose remise est chose perdue.

Je m’exécutai avec un empressement dont mes concitoyens me sauront gré, je l’espère.

Je recueillis deux cigares, égarés sur ma cheminée, et les déposai dans la poche d’un paletot, assez avancé en âge pour ne plus redouter les tourmentes ; je m’assurai de la situation normale de mon mouchoir ; puis, après avoir communiqué mes dernières dispositions à ma vieille bonne, sentant un pleur mouiller mon œil gauche, je lui serrai la main, peut-être pour la dernière fois, et descendis gravement mon escalier.

Arrivé au pénultième degré, j’avais repris toute mon assurance ; mon maintien était calme, et dans mes yeux brillait le regard assuré de Colomb, quand il mit à la voile pour se confier à des mers inconnues.

La haute idée de sa mission ne doit-elle pas soutenir l’homme dans les luttes de cette vie ?

J’avais ouï parler vaguement, et en termes assez méchants, d’un omnibus, qui, partant de la place du Panthéon, passe par les Champs-Élysées pour se rendre à la barrière des Martyrs, à peu près comme si quelqu’un, dans le dessein d’arriver à Marseille, prenait d’ici la route de Vienne en Autriche.

Cet omnibus était le mien.

Qu’avais-je besoin de suivre une ligne directe ? Que m’aurait appris une ligne directe ? Que me voulaient les lignes directes ?

Ce qu’il me fallait, à moi, hardi, entreprenant et curieux, c’étaient les zigzags sans fin, les courses sans but, les horizons nouveaux, les aventures romanesques. Point de faiblesse, cet omnibus est le mien.

Le soleil brillait au milieu du ciel, le temps était calme et serein, à peine un vent léger secouait-il les hautes branches