Page:Henri Maret Le tour du monde parisien 1862.djvu/318

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

306
LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

Et puis soyez convaincus que Fritz avait grand’faim. Depuis notre déjeuner à l’Hôtel-Dieu, nous n’avions rien pris ni l’un ni l’autre ; et, si je n’y songeais guère, mon ami avait mesuré le temps.

Il eut donc le désir d’abandonner la place que nous occupions, et de pénétrer dans l’intérieur de la ville ; je le retins.

« Fritz, lui dis-je, l’instant est solennel. J’ai terminé mon exploration.

— Ne poursuivrons-nous pas notre course jusqu’à Asnières ?

— Non, repris-je ; la nuit s’avance, mes réflexions formeront un volume, et d’ailleurs je suis triste.

— Triste !

— J’ai deux motifs de chagrin. Si Paris, vu de près, coudoyé, foulé, traversé, donne matière aux éclats de rire, je m’aperçois que Paris, vu de loin, à travers l’ombre et l’inconnu, n’est qu’un objet de terreur et de doute. On dirait quelque géant monstrueux, qui de sa tombe ricane au ciel. Je ne sais plus ce qui se meut sous ce linceul ; mais il me semble qu’il y a beaucoup de vers sur un peu de poussière.

— Tu n’es pas triste, mon ami ; tu es lugubre.

— Mon second motif, le voici : je me demande si mon public ne se fatiguera pas de m’entendre, si mon lecteur ne laissera pas le livre tomber de sa main appesantie, et le sommeil engourdir ses yeux, quand il en sera où nous en sommes. Voir est plus agréable que lire ; la description ne remplace pas l’objet. Puis il y aura beaucoup de moi dans cette relation ; et bien que ce moi soit l’âme éternelle, peut-être aimerait-on