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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

cœurs, il vous est permis de croire que le fluide qui vous enveloppe communique à vos cerveaux des idées identiques, qui, pour s’écouter l’une l’autre, n’ont besoin ni du langage, ni de l’oreille, Est-ce un tableau qui vous frappe ? parcourez-vous un musée, et vous arrêtez-vous fasciné devant un Rubens, votre âme, se perdant en vagues rêveries, quitte un instant le corps qui l’emprisonne et s’en va heurter les chevalets du peintre flamand dans sa petite maison d’Anvers ; soudain votre compagne, qui n’a pas quitté la toile du regard, vous dit d’un ton sentimental : « Regarde donc, mon ami, il y a une place libre sur ce banc. »

Évidemment votre maîtresse ne suivait pas votre pensée.

Ou bien vous voici, comme moi, par une belle et fraîche nuit d’été, couché sur l’herbe, et les pâquerettes, écoutant de loin passer le fracas d’une cité, et demandant aux étoiles s’il n’y a pas plus de science dans un de leurs rayons que parmi tous les livres et toutes les animations du monde, Fritz vous réveille par ces mots :

« Il y a surtout d’excellents pâtés. »

Le fluide n’en existe pas moins ; ses effluves ne se précipitent pas moins rapides entre vous et lui ; seulement elles changent de nature en changeant de récipient.

Voyez comme tout s’enchaîne. Chaque chose humaine a son côté grotesque et son côté sublime, qui souvent s’entremêlent si bien, que chacun de nous, regardant la même face, y voit des traits différents. Mais de quelque manière qu’on l’envisage, c’est toujours la chose humaine.

Je rêvais sur Passy ; Fritz dans Passy… voilà tout.