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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

ô parents sévères et vertueux ! à l’aspect de ces vieilles petites fredaines et de ces grotesques aventures dont vous fûtes les héros, — hélas ! il y a longtemps peut-être. Je suis sûr qu’en y songeant, vous jetez sur vos enfants un regard d’indulgence, vous demandant si, tout bien considéré, pour n’avoir pas été de pieux ermites, vous en êtes devenus plus méchants. Eh bien, épargnez-vous des craintes chimériques ; vous pouvez impunément lancer votre famille sur cette mer orageuse, comme l’appelait votre professeur de troisième ; — le flux les emportera ; et que le cœur ne vous batte pas, le reflux vous les rejettera sains et saufs, sans qu’une tache de fange apparaisse sur leur frac noir, sans qu’un fil de leurs gants blancs se soit rompu.

La raison, voyez-vous, c’est qu’il n’y a plus de pays latin.

Si je vous disais que de la place Saint-Sulpice à la Sorbonne, dans ces rues célèbres par tant de hauts faits, on n’a point depuis dix ans entendu parler du moindre combat ; si je vous disais qu’en vous promenant tout un jour autour de l’Odéon, dans les vastes allées du Luxembourg, vous ne rencontreriez pas une seule toilette délabrée, pas une cravate éperdue, pas une barbe de six mois, me prendriez-vous pour un menteur ou me croiriez-vous ? Si vous ne me croyez pas, eh bien, venez, visitez, explorez, vous répéterez ensuite comme moi, avec un profond soupir : Il n’y a plus de pays latin.

Un homme de beaucoup d’esprit, Murger, a fait l’oraison funèbre de ce beau quartier, dans un livre que je vous recommande et qui sera consulté plus d’une fois par les antiquaires des siècles futurs.

Oh ! le bon temps où sautillait la grisette vêtue de sa petite robe à carreaux, coiffée du léger bonnet de dentelle, et chaussée on ne savait trop de quoi, car elle n’affichait pas son pied