Page:Henri Maret Le tour du monde parisien 1862.djvu/53

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

V

le palais législatif. — la place de la concorde. — le soir de l’assomption.


L’histoire de ce cocher m’intéressa ; sa figure sinistre disparut, je ne vis plus que ses malheurs. Après tout, c’était peut-être un brave homme.

Néanmoins je ne dus pas avoir longue confiance dans sa douceur ni dans la haine qu’il professait contre les termes peu choisis, car, sa voiture en ayant heurté une autre presque immédiatement, il échangea avec son confrère un de ces dialogues furieux, communs à tous les cochers, et qui commence éternellement par la grave injure de propre à rien.

« Hélas ! me dis-je, s’il est vrai que cet homme soit un enfant trouvé, qui saura quel fut son père ? qui peut dire que dans ces veines, sous l’enveloppe calleuse de ces gros bras, ne coule pas le sang d’un patricien ? À quel caprice alors aurait tenu la destinée de cet homme ? Il porte de méchants habits, se grise avec du vin bleu, bat peut-être sa femme, ses enfants, une femme grossière, des enfants déguenillés : fils légitime et reconnu, peut-être mènerait-il un tilbury, serait-il élégant et beau ; il entretiendrait de superbes maîtresses,