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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

Et cela fit l’effet exact de quelques planches pourries, qu’entraîneraient les flots.

La rue fut libre, et le peuple passa.

Comme j’étais un des plus rapprochés de la trouée, j’enlevai la jeune femme dans mes bras, et l’emportai le plus loin possible du théâtre de la fête.

En ce moment même des acclamations lointaines accueillaient le bouquet du feu d’artifice.

Elle revint à elle chez le premier pharmacien où je la déposai ; de là elle voulut marcher et retourner dans notre maison.

Quelle route douloureuse, et comme je la sentais brisée ! C’était fini ; il y eut une réaction violente à la suite de cette terreur ; huit jours après elle expirait.

Et personne maintenant ne me convaincra que ce n’est pas la fête de l’Assomption qui l’a tuée.

Je ne sais pas trop pourquoi je vous ai conté cela, mes chers lecteurs ; il me serait difficile de le savoir.

La bouche parle de l’abondance du cœur.

Sait-on pourquoi des lèvres les plus hypocrites, des êtres les plus dissimulés, s’échappe parfois la vérité, qui est leur condamnation ?

Sait-on pourquoi le souvenir s’attache à certains lieux, plus encore qu’à certaines personnes, si ce n’est que les personnes changent plus vite que les lieux ? Sait-on pourquoi il naît des heures où le cœur a besoin de s’épancher, où, s’il n’y avait plus sur la terre que vous et un galérien, vous embrasseriez ce galérien et lui diriez : Mon ami, afin de pouvoir lui confier votre secret et vos douleurs ?