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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

en poussant un cri de contentement, et saluant son voisin de la main,

Derrière lui monta un homme en blouse et en casquette, qui se retenait avec peine à la balustrade, et semblait avoir fait un long voyage dans les vignes du Seigneur. Sa figure rubiconde, son nez marqueté de petits points rougeâtres, sa bouche entr’ouverte par un sourire de joyeuse humeur, et ses yeux humides et hébétés, tout dans sa physionomie témoignait une constante habitude de l’ivresse. Malgré ses jambes qui flageolaient, il se crut obligé par la politesse de s’arrêter devant chacun de nous. Il avait tiré de sa poche une mauvaise tabatière en corne, et nous offrait une prise, tout en souriant béatement. Notre côté refusa en masse : mais un grand monsieur maigre, qui se trouvait derrière moi, voyant l’ivrogne prendre une place vacante à ses côtes, craignit sans doute de désobliger cet homme, il accepta.

Il fit à la vérité une affreuse grimace ; mais il accepta.

C’était un homme sérieux que ce monsieur ; quelque commis principal dans un ministère ; il tenait sous son bras une serviette d’avocat, sans savoir, non plus que moi probablement, pourquoi l’on a donné ce nom aux grands portefeuilles destinés à accueillir momentanément le papier timbré ; sa figure était calme, ses yeux ne disaient rien, il portait les favoris taillés à l’anglaise et les lèvres pincées. Il était un peu chauve, et jouissait de grosses mains courtes, qui eussent fait les délices d’une Hottentote. Quant à son âge, je lui ai donné quarante-cinq ans.

Il avait donc accepté… mais voici qu’un éternûment