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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

Je ne trouve rien à dire, sinon, ils ont dansé ensemble, sous mes yeux. Elle ne faisait point d’attention à moi, et lui, il lui prenait la main.

Beau sujet de colère vraiment !

Par bonheur il la quitte.

« Madame, lui dis-je, ce monsieur vous aurait-il adressé une nouvelle invitation ?

— Pas encore.

— Vous y comptez donc ? vous l’espérez donc ?

— Certainement. Il danse à ravir.

— Il me déplaît que vous dansiez avec lui.

— Comment faire ?

— Je retiens d’avance pour moi tout ce qui reste. »

Elle éclata de rire, de son petit rire perlé, gracieux, qui rendrait fou un ange et ferait damner un saint.

Je me promène, avec la majesté de l’homme qui a fait son devoir.

… La nuit s’avance ; il est tard, nous allons bientôt partir, j’espère que ma peine aura son terme.

Que vois-je ? Lui encore, lui avec elle… Le quadrille des Lanciers lance dans l’air ses notes narquoises et criardes. Il la prend par la taille, ils dansent.

..........................

Je ris, ami lecteur ; mais vous ne sauriez croire combien je souffris ce soir-là. Si la jalousie s’appuyait sur des faits, ce serait une passion trop faible et trop morne ; nous serions toujours libres de la chasser de notre âme, en renversant les pilotis sur lesquels elle s’élèverait. La vraie cause de sa puissance et de sa durée, ce qui la rend éternelle et vivace, c’est qu’elle n’a point de fondements ; la jalousie a pour racine un songe, et pour fruit le désespoir. Comment la détruire ? vous ne savez où elle est. Quelles armes employer contre elle ? On