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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

respect vers cette bouche éternellement ouverte pour une éternelle absorption.

Derrière nous, une portion du jardin des Tuileries, ce jardin qui tant de fois a changé de face et d’habitudes. Cette année, il vient de se renouveler presque entièrement. Nous ne dissimulerons pas que le coup d’œil en est plus beau, et, quoiqu’on ait beaucoup crié à propos de l’immense parcelle arrachée au public, le jardin y a peut-être gagné. On ne saurait contenter tout le monde et son père[1].

À propos du jardin des Tuileries et de ses habitudes, une anecdote, qui donnera une haute estime de la consigne militaire. La chose est advenue à l’un de mes amis, et je vous la donne comme certaine.

Ledit ami, se présentant un jour à la grille du jardin, dans les intentions les plus avouables, est arrêté dans sa marche par une baïonnette qui se croise, et la voix rude d’un factionnaire lui crie : On ne passe pas !

— Comment ! on ne passe pas ? mais voici un monsieur et une dame qui ne s’en privent pas, il me semble.

— C’est possible ; alors, mettez votre chapeau.

Mon ami s’aperçut alors qu’il tenait son chapeau à la main et s’essuyait le front avec son mouchoir. Il avait cru jouir d’un droit accordé à tout homme en sueur ; il comprit ou plutôt ne comprit pas qu’il se trompait, mais il remit son chapeau et passa.

Le factionnaire reprit sa faction.

Quand je rencontrai mon ami, il était encore hébété par son aventure. Il avait débattu dans son cerveau soixante-dix raisons, toutes plus absurdes les unes que les autres, dans le

  1. Ces lignes furent écrites avant l’achèvement des travaux. On verra, dans la seconde partie de ce livre, que les appréciations de l’auteur ont complétement changé.